Thursday, May 06, 2010

Pendant ce temps... en Côte d'Ivoire

"Vue du Plateau"

Miss you guys...


Pendant ce temps... en Côte d'Ivoire, par Jean-Philippe Rémy

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/05/06/pendant-ce-temps-en-cote-d-ivoire-par-jean-philippe-remy_1347571_3232.html


L'attente des élections, en Côte d'Ivoire, aura éprouvé toutes les patiences. Depuis 2005, la grande consultation pour élire le président de la République a été repoussée par petits bonds, résultats de promesses non tenues et de manipulations diverses. Alors que la Côte d'Ivoire a connu des jours meilleurs, tenir des élections permettra-t-il au pays de remonter la pente ? Rien n'est certain. Les responsables politiques ivoiriens de tous bords jouent un complexe jeu d'échecs, dont l'enjeu est le pouvoir. Ce pouvoir auquel est arrivé le président Laurent Gbagbo en 2000. C'était il y a dix ans.

Depuis, il y a eu une rébellion, la séparation du pays en deux "zones", une suite de plans de paix, et une série de tentatives pour mettre en place des élections. La dernière fois, ce devait être en mars. On parle à présent d'une nouvelle tentative en juin.
Pendant ce temps, Abidjan, la grande ville du bord de la lagune, semble avoir renoncé à se demander si elle va mal. Comme le dit une chanson ivoirienne : "On ne sait pas où on va, mais on y va quand même et... ça va aller !" L'affairisme et la misère ont prospéré. Un homme d'affaires qui préfère ne pas être cité résume la situation : "Il n'y a jamais eu autant de pauvres à Abidjan, et il n'y a jamais eu autant de bateaux au yacht-club."

Et, pourtant, la ville palpite comme si chaque jour devait être le dernier. Un ingénieur télécoms, Franck Fanny, rêve de créer un mouvement qui raconterait l'énergie particulière de cette ville qui ne renonce pas et s'appellerait "Pendant ce temps". Un rappel que la vie continue, malgré le climat politique plombé, les combines, les incertitudes, les coupures d'électricité.
"Pendant ce temps", l'architecte Issa Diabaté dessine des meubles ou des maisons sublimes et remplit son carnet de commandes dans toute l'Afrique. "Pendant ce temps", Franck Fanny a mis au point un système de navigation par GPS unique en son genre. Partout, les GPS fonctionnent grâce à des noms de rues. Comment faire lorsque ces noms font défaut ? C'est là qu'intervient le système Gowane, développé par la société O-one.net, de Franck Fanny, dont les équipes ont sillonné Abidjan, relevé plus de 20 000 "points d'intérêt", des bâtiments publics, religieux, des immeubles, et intégré le tout dans le système de navigation.
Il est désormais possible d'être guidé par le système Gowane dans toute la Côte d'Ivoire. Enfin, dans le Sud, en zone gouvernementale. Au nord, dans l'ex-zone rebelle, malgré la paix, personne n'a voulu voir s'installer un système de navigation, donc de localisation, par satellite. Méfiance. La paix demeure fragile.

En Côte d'Ivoire, on s'est d'abord émerveillé de cette invention, récompensée par le Prix de la meilleure initiative privée aux derniers trophées Africa Telecom People, mais les conséquences se font attendre. Les ventes de Gowane restent faibles, le système qui pourrait être étendu au reste de l'Afrique reste peu connu. Il manque l'appui d'une société pour donner le véritable coup d'envoi. "Bizarrement, tout le monde se demande à quoi peut bien servir un GPS en Afrique, comme si c'était inutile, contrairement aux pays où on ne peut pas lever le nez sans voir des noms de rue et de la signalisation", ironise Frank Fanny.
"Pendant ce temps", il a aussi monté une galerie avec un associé. Le Lab. Il s'agissait de découvrir les nouvelles tendances de l'art contemporain en Côte d'Ivoire. Un jeune inconnu, en particulier, arrivait avec des photos étranges. Paul Sika, qui avait eu une illumination en se promenant dans une rue de Londres, et entamait un travail original. Il a développé ses premières grandes photos grâce à l'aide du Lab, avant d'être repéré par le rappeur Kanye West, aux Etats-Unis.

Entre-temps, la galerie est entrée en sommeil. "Les artistes, on les prenait, on les exposait, et on leur donnait tout l'argent des ventes. On appelle ça un modèle économique discutable, mais c'était pour soutenir la création", s'amuse Frank Fanny.
La ville souffre de la crise qui n'en finit pas, du climat d'affairisme.
Franck Fanny n'a pas de yacht. Il n'a même plus de moto. Sur son gros cube, il fendait l'air des nuits, l'air des journées trop chaudes et celui des journées de violence quand les "patriotes", qui soutiennent le président Laurent Gbagbo, descendaient dans la rue. Les "patriotes" montaient des barrages pour bloquer la ville ? On y acclamait le cavalier Fanny sur son cheval de métal, lunettes de soleil vissées devant les yeux, lorsqu'il les franchissait sur la roue arrière de son bolide aux chromes scintillants. Abidjan n'est pas une capitale pour les timides.
Les clichés de Paul Sika sont aussi vigoureux, rapides et enivrants que la ville et sa musique, dont l'un des derniers morceaux répète "Qui est fou là ?". Pas le photographe, qui proclame pourtant son intention de publier un livre de photos diffusé seulement par contacts électroniques, Au coeur de moi... , avec le commentaire suivant : "Un Africain de 24 ans organise une activité de création aux Etats-Unis et la distribution d'un livre depuis sa chambre en Afrique." Attention, le nombre d'exemplaires sera limité !

Courriel : jpremy@lemonde.fr.
Sur le Web :
- http://www.koffi-diabate.com/ ;
- http://www.paulsika.com/, http://www.o-one.net/
et aussi le "trailer" de Paul Sika sur www.youtube.com/watch?v=duzJ-fs1MPU.

Jean-Philippe Rémy

1 comment:

Unknown said...

PINGO
"WE RUN THINGS, THINGS NO RUN WE"
(Kingston-Jamaica)